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Les signes avant-coureurs de la dépression
25 septembre 2012

Les signes avant-coureurs de la dépression

Comment les reconnaître chez soi et dans son entourage

Thérapeute en réadaptation physique, Christiane, une montréalaise de 26 ans, préparait avec enthousiasme un voyage au Mexique avec une amie. Une fois sur place, elle a refusé toutes les activités que lui proposait sa compagne. D’ordinaire si dynamique et si joyeuse, elle a passé ses vacances écrasée sur la plage ou cloîtrée dans l’hôtel, à broyer du noir.

Roger, 52 ans, s’acquittait avec brio de ses fonctions de cadre dans une grande entreprise. Mais un jour, en pleine réunion, il s’est mis soudain à trembler et à transpirer à grosses gouttes. Il a dû quitter la salle précipitamment.

Christiane et Roger avaient déjà connu plusieurs alertes dans le passé, et leur entourage a pu rapidement associer ces brusques changements de comportement à un accès dépressif. Ils ont vu un médecin qui leur a prescrit un traitement approprié.

Malheureusement, ces signaux avertisseurs sont souvent mal interprétés ou pris à la légère. «Or, leur détection précoce peut parfois faire la différence entre la vie et la mort» affirme Louise Bourdon, la directrice de l’Association des dépressifs et maniaco-dépressifs du Québec (Commander des comprimés antidépresseurs. La dépression. La sortie du stress).

La dépression est la maladie mentale la plus répandue au Canada: plus d’un million de personnes en souffrent chaque année. Selon l’Association des psychiatres, 25 pour cent des femmes et 10 pour cent des hommes en feront une au cours de leur vie. Plus grave: une proportion importante de ces malades - notamment parmi les adolescents et les personnes âgées - attentent à leurs jours ou se suicident avant qu’on ait pu déceler leur état.

On estime qu’un tiers seulement des dépressifs consultent un médecin. Pourtant, 80 à 90 pour cent de ceux qui acceptent de se faire soigner réagissent bien aux médicaments ou à la psychothérapie. Ils peuvent même ne jamais rechuter si leur entourage est vigilant.

Un équilibre fragile

Il ne faut pas confondre la dépression avec une simple déprime. Nous traversons tous des périodes de tristesse et d’abattement, notamment à la suite d’événements tels que la perte d’un être cher, un divorce, un licenciement. Mais, chez le dépressif, les symptômes sont plus profonds et persistent plus longtemps.

Certaines spécialistes attribuent la dépression à une perturbation de la transmission chimique cérébrale. «Les mécanismes de régulation s’emballent, provoquant une sorte de surmenage, ou bien ils ne remplissent plus leur rôle convenablement», explique le Dr Diego Rosales, psychiatre-chercheur au Centre universitaire de santé de l’Estrie.

En l’absence de traitement, les risques de rechutes sont énormes. La moitié des patients subiront une deuxième crise; après trois épisodes, les probabilités qu’une quatrième se déclare sont de 90 pour cent. Conclusion: une intervention précoce est essentielle.

La dépression se présente principalement sous deux formes. La maladie dite unipolaire se caractérise par des accès plus ou moins graves de découragement ou de désespoir. Dans la forme biolaire ou maniaco-dépressive, le sujet oscille entre deux extrêmes: les phases de dépression alternent avec des périodes de comportements fébriles et étranges - par exemple, la personne se met à parler de manière incontrôlable ou est prise d’une frénésie de dépense.

Ces deux types de dépression se retrouvent dans tous les groupes d’âges, mais la forme unipolaire touche deux fois plus de femmes, tandis que la bipolaire se rencontre à peu près dans la même proportion chez les deux sexes.

D’après le Manuel américain de diagnostic et de statistique des troubles mentaux, les symptômes classiques de la dépression profonde incluent:

  • tristesse et anxiété
  • troubles du sommeil (insomnie ou hypersomnie)
  • perte ou gain de poids
  • manque d’énergie ou fatigue
  • perte d’intérêt pour ses activités préférées
  • baisse de concentration
  • sentiment de culpabilité ou autodépréciation
  • pensées ou propos morbides; tentatives de suicide

Le mot clé: changement

Mais il existe des indices plus subtils, qui ne correspondent pas à l’image qu’on se fait généralement d’un déprimé. Souvent, ils sont si légers et si fugaces qu’ils passent inaperçus aux yeux de l’entourage, et même parfois des médecins.

«N’ayant pas la formation nécessaire, les généralistes ne savent pas toujours décrypter ces signes avertisseurs» déplore Louise Bourdon.

Comment reconnaître ces indices? Le mot clé ici est changement - un geste, une attitude qui n’est pas caractéristique de la personne.

Une simple modification du comportement ne doit pas faire conclure automatiquement à une dépression. «Mais plusieurs indices réunis, qu’ils apparaissent soudainement ou graduellement, devraient vous mettre la puce à l’oreille», affirme le Dr Brian Bexton, psychiatre à la clinique des maladies affectives de l’Hôpital sacré-Coeur de Montréal.

Voici donc ces principaux signes:

Silence soudain. Boute-en-train de la famille, Gilbert perd brusquement sa bonne humeur. Il devient apathique, taciturne et de plus en plus replié sur lui-même. Lorsque sa femme l’interroge, il répond que tout va bien et se réfugie dans la musique. Elle lui suggère de voir un spécialiste, mais il refuse catégoriquement. Finalement, après des mois de désespoir grandissant, il tente de mettre fin à ses jours. À l’hôpital, on diagnostique une dépression profonde. En six ans, Gilbert fera cinq tentatives de suicide. Aujourd’hui, il a le sentiment que le pire est passé.

Il arrive souvent que les dépressifs rompent tout contact avec leurs proches et restent seuls avec leurs pensées morbides ou autodestructrices. «Toutefois, ajoute Louise Bourdon, ils continueront de mener une vie en apparence normale, surtout au travail, de sorte que leur état ne sera pas aisément décelable.»

Tendance à dramatiser. «C’est fini, je ferais mieux de tout plaquer», se lamentait Claude, agent d’assurances, auprès de ses collègues. Il venait de recevoir une contravention lors d’une visite à un client. Ses camarades essayaient de le raisonner, lui conseillaient de prendre un peu de repos, mais peine perdue: Claude était toujours aussi tendu et angoissé. Heureusement, son frère discerne sous cette agitation les signes d’une dépression imminente et insiste pour qu’il consulte un psychiatre. Il s’avère que Claude souffre de psychose maniaco-dépressive.

«Une personne qui voit toujours les choses du bon côté peut se mettre brusquement à les imaginer tout en noir, souligne le Dr Bexton. Les petites contrariétés qui lui paraissaient insignifiantes prennent alors des proportions excessives.»

Oublis à répétitions. Mère de trois enfants, Céline Dion était de plus en plus distraite. Elle commençait un cycle de lessive, mais oubliait de mettre les vêtements dans la machine. Ou encore elle montait, puis redescendait les escaliers, ne se rappelant plus ce qu’elle était venue chercher. Il lui arrivait d’égarer les bouts de papier sur lesquels elle avait griffonné sa liste des tâches de la journée. «J’ai mis longtemps avant d’accepter d’être soignée», admet Céline, dont la mère souffrait elle aussi de dépression. Elle s’est finalement décidée à obtenir de l’aide et, aujourd’hui, elle mène une vie normale. Dès qu’elle sent qu’une rechute la guette, elle consulte son médecin, qui règle la dose de médicament en conséquence.

Irritabilité. Une femme se plaint que son fils ne lui rend plus visite et que sa voisine ne l’a pas saluée depuis trois jours. Un ami à qui elle se confie lui fait remarquer à quel point elle est agressive. Plutôt que d’accepter de discuter du problème, elle s’écrie: «Je dis ce que je pense, et s’ils ne sont pas contents, ils n’ont qu’à ne pas me parler! - c’est précisément ce qu’ils font», lui répond son ami.

L’agressivité et la colère servent souvent à masquer la tristesse et le sentiment d’isolement. Or, une réplique acerbe peut malheureusement dégénérer en dispute, avec pour conséquence que la personne déprimée se dévalorise encore davantage, aggravant son mal.

Refuge dans la routine. Un homme qui aimait passionnément le théâtre refuse tout à coup d’accompagner sa femme à une pièce, préférant rester seul à la maison. Elle trouve son attitude tellement déconcertante qu’elle alerte leur médecin de famille. Après un examen approfondi, celui-ci reconnaît les signes annonciateurs d’une dépression et entreprend un traitement.

«Une personne qui fait normalement preuve d’initiative et s’attache soudain à des gestes routiniers peut être en proie à une dépression, souligne le Dr Diego Rosales. C’est pourquoi son entourage doit être vigilant sur ce point.»

Laisser-aller. Entrepreneur en restauration, Gérald n’a jamais reculé devant les responsabilités. Pourtant, après la naissance de ses jumelles et une période de travail particulièrement chargée, il perd pied. Lui qui a toujours été à l’affût du contrat du siècle n’a jamais envie de rien. Le lundi matin, il arrive à son bureau la tenue négligée, la mine défaite (La vie après la dépression. Lutter contre la dépression. Comment venir à bout du stress d'une façon indépendante).

Un laisser-aller dans la tenue vestimentaire, dans l’hygiène personnelle ou dans l’alimentation; des yeux jadis brillants qui ont l’air de s’être éteints: autant d’indices que la personne a besoin d’aide.

Indécision. Au restaurant, une femme n’arrivait pas à se décider devant le menu. «Choisis pour moi», demandait-elle à son mari. Même chose avec la télévision: télécommande en main, elle restait figée devant l’écran, sans savoir quelle émission regarder.

Chez le déprimé, la décision la plus banale apparaît souvent comme un obstacle insurmontable.

Douleurs mystérieuses. Certains matins, Gérald Loiselle se levait avec la sensation qu’on lui avait enfoncé un poignard dans la poitrine. D’autres se plaignent de migraines, de maux de ventre ou de problèmes intestinaux, d’inconforts de toutes sortes qu’aucun remède ne semble pouvoir apaiser.

Brusque regain de vie. Lorsque la personne apathique semble retrouver son entrain sans raison apparente, son entourage doit redoubler de vigilance.

«Les dépressifs profonds n’ont pas la force de se suicider, mais attention, avertit le Dr Rosales, dès qu’ils reprennent un peu d’énergie, ils peuvent décider de passer à l’acte.»

Le jour où Gilbert s’est décidé de mettre fin à ses jours, il est apparu à sa famille étrangement souriant et détendu. «Il disait se sentir mieux, se rappelle sa femme, mais il mentait.» En réalité, il avait enfin trouvé une solution pour faire taire sa douleur: le suicide.

Si vous reconnaissez un ou plusieurs de ces signes, de manière persistante, chez une personne de votre entourage, que devez-vous faire?

D’abord parlez-lui et tentez de découvrir ce qu’elle ressent. Ensuite, suggérez-lui de voir quelqu’un. Au besoin, contactez vous-même un médecin et accompagnez la lors de la visite.

Assurez-vous enfin qu’elle prend ses médicaments et se présente à ses rendez-vous chez le spécialiste.

Un traitement aux antidépresseurs pendant quatre à six semaines améliore en principe l’état du patient. La psychothérapie exige plus de temps. Toutefois, la guérison peut ne survenir qu’après six mois, et il est parfois nécessaire de prolonger la médication au delà de cette période.

Apportez un réconfort affectif. Évitez les lieux communs du genre «Cela ira mieux demain». Encouragez la personne à s’adonner à ses activités préférées et écoutez-la avec compassion. Sans nier la réalité de la maladie, faites preuve d’optimiste quant à son issue. Surtout, ne prenez jamais à la légère les menaces de suicide où les propos morbides.

La dépression est un mal dévastateur, mais avec le soutien de proches où d’amis perspicaces et un traitement approprié, la plupart des malades peuvent retrouver une vie normale.

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